Au cœur de la médina de Marrakech : rencontre avec Hicham, artisan maroquinier

Auteur.rice :

Lisa Millet

Date de publication :

20/11/2024

Lisa Millet

C'est au détour d'une rue animée de la médina de Marrakech que j'ai rencontré Hicham, un artisan maroquinier dont l'atelier se distingue des autres boutiques par son approche singulière. Contrairement aux étals saturés de produits identiques que l'on retrouve dans les médinas marocaines, la boutique d'Hicham propose des créations uniques, nées d’un savoir-faire traditionnel et d’une volonté d’innovation. Curieuse, je me suis aventurée à l’intérieur, sans savoir que cette visite allait se transformer en une discussion passionnante sur la place de l'artisanat au Maroc.

Atelier de la médina de Marrakech, Maroc - Crédits Lisa Millet

Le constat d'une crise de la transmission

Dès nos premiers échanges, Hicham m’a fait part de son inquiétude face à l'évolution de l'artisanat au Maroc, qui, tout comme en France, subit une érosion de la transmission des savoir-faire. Il m’a raconté l’histoire poignante d’un vieil artisan de Marrakech, maître dans la confection de miroirs selon une technique ancestrale. Avant sa mort, Hicham avait préparé un petit stock de ses œuvres, pressentant que personne ne reprendrait le flambeau. En effet, son fils n’a pas souhaité apprendre ce métier, préférant s’orienter vers des occupations jugées plus rentables. La technique a disparu avec cet homme, emportant avec lui une part du patrimoine immatériel marocain​.

Hicham a partagé sa frustration face à ce cercle vicieux : l’artisanat n’est pas suffisamment valorisé, ce qui dissuade les jeunes de s’y intéresser. Ils préfèrent devenir commerçants et vendre des produits artisanaux plutôt que de consacrer des années à maîtriser un métier qui ne garantit pas de revenus stables. « Pour une pièce qui demande deux jours de travail, on nous paye souvent à peine 200 dirhams, soit environ 20 €. C’est loin d’être suffisant pour subvenir aux besoins de nos familles », m’a-t-il confié.

Atelier de la médina de Marrakech, Maroc - Crédits Lisa Millet

Entre tradition et innovation : le défi des nouvelles générations

Au fil de la conversation, nous avons abordé la dichotomie entre les générations d’artisans. Les anciens, comme ceux qui ont formé Hicham, ont une forte réticence à l’innovation. « Nous avons toujours fait ainsi, pourquoi changer ? » est une phrase qu’il a souvent entendue dans les ateliers. Pourtant, Hicham fait partie de ces jeunes artisans qui veulent apporter un souffle nouveau, revisiter les formes et les matières, tout en préservant l’essence du savoir-faire traditionnel. Cette recherche d'innovation, essentielle pour capter l'intérêt des nouvelles générations, est cependant freinée par un manque de reconnaissance financière et sociale.

Atelier de la médina de Marrakech, Maroc - Crédits Lisa Millet

Le patrimoine en danger

Cette discussion m'a rappelé les enjeux que nous observons également en France : l’artisanat est perçu comme une part précieuse du patrimoine, mais il est souvent cantonné à une vision folklorique, loin de la réalité économique. Tant au Maroc qu’en France, il est urgent de revaloriser l’artisanat, non seulement en reconnaissant sa valeur patrimoniale, mais aussi en lui accordant la place qu’il mérite sur le plan économique. Lorsque l’on sait qu’en 2019, les métiers d’art ont généré un chiffre d’affaires impressionnant de 19 milliards d’euros, il est légitime de se demander pourquoi ce secteur, pourtant essentiel à l’identité culturelle et à l’innovation, ne bénéficie pas d’une reconnaissance économique à la hauteur de son impact.

Atelier de la médina de Marrakech, Maroc - Crédits Lisa Millet

Voyager autrement : rencontrer l'artisanat

Voyager est bien plus que découvrir de nouveaux paysages ; c'est s'ouvrir à des échanges authentiques avec les populations locales, comprendre leurs enjeux, leurs besoins et les défis qu'elles relèvent au quotidien. Ces rencontres offrent une perspective unique sur le monde, révélant parfois la chance que l’on a en France, malgré les progrès encore nécessaires. Le dialogue et la rencontre sont des clés pour développer la tolérance, nourrir l’inspiration et enrichir notre vision du monde.

Après avoir pris le temps de discuter avec des artisans locaux, il devient difficile de marchander dans les souks, surtout lorsque l'on sait qu'il n'y a pas d'intermédiaire : chaque objet vendu est le fruit d’heures de travail minutieux et d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Pour ceux qui souhaitent aller au-delà des circuits touristiques traditionnels, le quartier de Sidi Boutchich, dans la médina de Marrakech, est une véritable pépite. Peu exploré par les touristes, ce quartier regorge d'ateliers où les artisans sont ravis de partager leurs techniques et d’ouvrir les portes de leurs univers créatifs.

D’ailleurs, avec Histoires d’Artisans, nous proposons des visites guidées et des masterclasses immersives dans les ateliers d’artisans d'art français pour découvrir leur savoir-faire unique.

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Atelier de la médina de Marrakech, Maroc - Crédits Lisa Millet

Un grand merci à Hicham pour son accueil chaleureux et ces conversations inspirantes. N'hésitez pas à pousser la porte des ateliers, à engager la conversation avec les artisans et à découvrir l'immense richesse des savoir-faire français comme marocains.